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samedi 28 avril 2018

Le Moyen Âge Central (987-1337) - Troisième partie : la centralisation du pouvoir royal

Pour lire la deuxième partie du chapitre, cliquez ici.
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C) La centralisation du pouvoir royal

1) Les réformes de Philippe II Auguste (1180-1223)

Philippe Auguste contribue à la centralisation du pouvoir. Menacé par la Flandre, principauté économiquement riche grâce au commerce de draps, et par la Champagne contrôlée par ses oncles, il parvient à reprendre l’avantage. A la mort du duc de Flandre Philippe d’Alsace, le roi s’empare de cette région ainsi que le Hainaut.

Le titre Rex Francorum (roi des francs, ou roi des français) est remplacé par Rex Franciae (roi de France) qui perdure jusqu’à la Révolution française. Le roi instaure des offices révocables tels le garde des sceaux qui remplace le chancelier.

Le royaume est désormais découpé en plusieurs conscriptions : le domaine royal compte 28 bailliages (au nord) et sénéchaussées (au sud).

Face à la menace anglaise, Philippe Auguste entreprend la construction d’enceintes aux alentours de Paris à partir de 1190, achevée sur les deux rives en 1215.

Le royaume de France à la mort de Philippe Auguste en 1223. En vert, les fiefs mouvants de la couronne. En jaune, les seigneuries ecclésiastiques. En rouge, les fiefs appartenant au roi d’Angleterre. En bleu, le domaine royal.
Si nous comparons cette carte avec celle de 987, nous remarquons distinctement que le domaine royal s’est considérablement accru, cela étant dû aux conquêtes de Philippe Auguste sur les terres du roi d’Angleterre (notamment la Normandie).

2) Le règne de Louis IX, ou Saint Louis (1226-1270)

Louis IX poursuit les réformes administratives de Philippe Auguste. Par exemple, par une ordonnance datée de 1254, il impose aux baillis et aux sénéchaux le serment de ne pas imposer de nouvelles taxes et de respecter les coutumes locales.

Il entreprend également des réformes judiciaires considérables. Jusqu’à son règne, les ordalies, jugement de Dieu, se pratiquent. Elles consistent à subir une épreuve[1] en remettant sa vie aux mains de Dieu. Les duels judiciaires, forme particulière de l’ordalie, vise à un duel entre l’accusé et le plaidant ou entre leurs champions respectifs. Louis IX met fin à ces pratiques en 1258 et les remplace par la recherche de preuves écrites, ou l’enquête. Il met en place le système de l’appel au roi, qui peut refaire un procès tranché par la justice seigneuriale. Par ailleurs, en cas de crimes de lèse-majesté, seul le roi peut désormais juger. Enfin, le roi peut se saisir d’une affaire judiciaire avant qu’elle ne soit jugée par le seigneur.

Il meurt de maladie à Tunis en 1270, alors qu’il se lance pour la Huitième Croisade. 22 ans plus tard, il est canonisé, prenant le nom de Saint Louis.


3) Philippe IV le Bel (1285-1314)

Dans un royaume peuplé de 13 millions d’habitants, la monarchie se trouve endettée. Philippe le Bel, succédant à son père Philippe III le Hardi, cherche à récupérer de l’argent. Il parvient à mettre en place un nouvel impôt au clergé en 1296, puis à confisquer les biens des Juifs, après les avoir fait expulser. Il convoite également les biens des Templiers, ordre devenu riche puisqu’il joue le rôle de banque à l’échelle européenne.
Cet ordre perd sa raison d’être[2] après la prise de Saint-Jean d’Acre par les Mamelouks en 1291, forçant notamment les Templiers à se replier sur Chypre. De plus, le roi a exprimé son désir d’intégrer l’ordre, mais cette requête a été refusée.

Philippe le Bel discute de leur sort auprès du pape Clément V (1305-1314), d’origine française, proposant ainsi de fusionner les Hospitaliers et les Templiers en un seul ordre. A nouveau, le Grand Maître Templier Jacques de Molay refuse.

Il profite des rumeurs à propos de pratiques dissolues et d’idolâtrie au sein de l’ordre. Le 13 octobre 1307, il fait arrêter tous les Templiers du royaume, ce qui correspond à 15 000 hommes environ. Soumis à la torture, ils avouent, sans doute par peur, qu’en intégrant dans l’ordre, on leur demande de renier le Christ et que le crachat sur un crucifix ou une icône se pratique ; coupables de « baisers obscènes », ils disent se livrer également à la sodomie. Certains confessent même l’adoration d’idoles. Ils reviennent progressivement sur leurs aveux par la suite, affirmant qu’elles sont fausses et d’avoir cédé par peur de la torture. L’affaire tardant, Philippe le Bel fait brûler 54 templiers en 1310, ce qui pousse une majorité des détenus d'avouer encore quelques fautes.

Philippe le Bel incite les autres souverains européens à arrêter les templiers hors du royaume de France et de les juger. Le pape Clément V est contraint à dissoudre l’ordre du Temple et de confier tous leurs biens aux Hospitaliers, sauf en Espagne et au Portugal. Peu après, ces derniers remettent environ 200 000 livres au roi de France.

Jacques de Molay est finalement exécuté au bûcher en mars 1314, Geoffroi de Paris rapporte ses dernières paroles :
« Seigneurs au moins, laissez-moi joindre un peu mes mains, et vers Dieu faire oraison, car c'en est le temps et la saison. Je vois ici mon jugement, où mourir me convient librement. Dieu sait qui a tort et a péché, le malheur s'abattra bientôt sur ceux qui nous condamnent à tort. Dieu vengera notre mort. Seigneur sachez que, en vérité, tous ceux qui nous sont contraires par nous auront à souffrir. En cette foi je veux mourir. Voici ma foi, et je vous prie, que devers la Vierge Marie, dont notre Seigneur le Christ fut né, mon visage vous tournerez[3] ».

Selon Maurice Druon dans Le Roi de fer (1955), le premier tome de sa suite romanesque historique Les Rois Maudits (rédigée entre 1955 et 1977), il aurait hurlé :
« Roi Philippe, chevalier Guillaume[4], pape Clément, avant un an je vous appelle à comparaître devant le tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment[5] ! Maudits ! Maudits ! Vous serez tous maudits jusqu’à la treizième génération de votre race ! »


4) La crise dynastique (1314-1328)

A la mort de Philippe IV le Bel, son fils aîné Louis X le Hutin lui succède. Il ne règne que 2 ans avant de s’éteindre à son tour. Son épouse enceinte, une régence se met en place, en attendant la naissance. Elle a finalement lieu le 14 novembre 1316. C’est un fils, il devient Jean Ier le Posthume. Il ne vit cependant que cinq jours.

Le problème de la succession se pose pour la première fois : faut-il choisir la fille de Louis X, Jeanne, ou son frère aîné, le régent Philippe ?  On questionne la légitimité de cette dernière. En effet, sa mère Marguerite de Bourgogne est reconnue avec sa sœur Blanche coupable d’adultère, avec respectivement les chevaliers Philippe et Gauthier d’Aunay. Les amants subissent un terrible sort tandis que les deux femmes sont incarcérées au cachot. Jeanne est donc considérée comme une bâtarde et est donc exclue de la succession. Philippe devient roi, sous le nom de Philippe V. Il ne règne qu’en 1322, mourant sans fils. Le dernier fils de Philippe le Bel, Charles, prend le trône sous le nom de Charles IV. Celui-ci meurt également sans donner de fils, en 1328. Le neveu de Philippe le Bel, Philippe de Valois, est désigné comme régent.
A nouveau, quelle personne peut monter sur le trône ? Il reste trois prétendants principaux :
-Edouard III, roi d’Angleterre, petit-fils de Philippe IV le Bel par sa mère Isabelle. Or, il a 16 ans et il est de facto une marionnette de Roger Mortimer, amant de la reine Isabelle, ayant renversé son père Edouard II.
-Philippe de Valois, fils de Charles de Valois, lui-même frère de Philippe IV le Bel. Philippe est donc le neveu de Philippe IV le Bel.
-Philippe d’Evreux, comte d’Evreux, petit-fils de Philippe III.
C’est Philippe de Valois qui est désigné roi par les barons de France. Il prend donc le nom de Philippe VI. Edouard III prête hommage au nouveau roi de France, récupérant la Guyenne perdue en 1324 après un conflit avec Charles IV le Bel.

Deux principes sont posés suite à ces deux crises de succession :
-les femmes ne peuvent gouverner le royaume (à partir de 1316)
-leurs descendants sont exclus de la couronne (à partir de 1328).




[1] Par exemple, l’épreuve du feu, qui consiste à traverser deux bûchés entrecroisés sans se brûler. Ou encore celle de l’eau bouillante, l’accusé devant plonger son bras dans un chaudron bouillant et en récupérer le caillou ou l’anneau béni. Le bras brûlé est bandé, puis la plaie est examinée quelques jours après : si elle est cicatrisée, il est innocent ; si elle est infectée, il est coupable.
[2] Rappelons que l’Ordre du Temple est chargé de protéger les pèlerins sur la Terre Sainte.
[3] Geoffroi de Paris, Chronique métrique de Philippe le Bel.
[4] Il s’agit a fortiori de Guillaume de Nogaret, garde des sceaux et conseiller du roi. Or cette partie de ce discours, sans doute fictif, semble anachronique, car selon certaines sources Guillaume de Nogaret est mort en 1313, avant l’exécution de Jacques de Molay.
[5] Clément V meurt un mois plus tard, le 20 avril 1314, d’un cancer de l’intestin. Philippe le Bel meurt le 29 novembre 1314, des suites d’un accident de chasse.

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