Contrairement au Haut Moyen Âge, le Moyen Âge
Central marque une période de stabilité. C’est également une période de
croissance économique, de progrès social et de paix relative, malgré quelques
conflits sporadiques.
A) Les premiers Capétiens
Le terme « Capétien » provient du surnom
du roi Hugues Ier (987-996), dit Capet, car détenant notamment l’abbaye Saint-Martin
de Tours (abritant comme relique la Cape de Saint Martin[1]). Avant
l’avènement d’Hugues Ier, cette dynastie est appelée les Robertiens, Robert
étant son fondateur.
Les Capétiens sont la plus longue dynastie royale en
France, qui règnent continuellement de 987 jusqu’en 1792, puis de 1814 à 1815,
et enfin de 1815 à 1848. Jusqu’en 1328, 14 souverains se succèdent directement de
père en fils. Contrairement aux précédentes dynasties royales, seul le fils
aîné récupère tous les biens du père après sa mort.
Le territoire de France correspond à deux
territoires : le domaine royal, possédé par le roi, et le royaume, terres
dépendant du roi mais géré par des princes ou des seigneurs.
Le royaume de France en 987. En bleu, le
domaine royal.
1337 marque le début de la Guerre de Cent Ans,
lorsque le roi de France Philippe V de Valois (branche cadette de la dynastie
capétienne) confisque la Guyenne (Aquitaine) au roi d’Angleterre Edouard III. C’est
donc le début d’une autre période, plus sombre.
1) L’avènement d’Hugues Capet
Le père d’Hugues Capet, Hugues le Grand, était dux francorum, une sorte de vice-roi,
titre conféré par le roi Louis IV. Hugues Capet hérite de ce titre. A la mort
accidentelle de Louis V, le dernier carolingien, les Grands se réunissent afin d’élire un nouveau roi.
Hugues Capet remporte l’élection et est sacré à Noyon par l’évêque de Reims
Adalbéron, en juillet 987.
Le sacre des rois :
Le roi se rend en procession à la cathédrale de
Noyon. Le roi prête serment à l’Eglise : il promet de défendre la foi,
assurer la paix, la justice et la protection de l’Eglise. Il fait ensuite
serment de protéger son peuple.
Les moines de Saint-Remi de Reims apportent la
Sainte-Ampoule[2],
relique miraculeuse car elle ne se vidait jamais et elle fut apportée par une
colombe lors du baptême de Clovis. Le roi se dépouillant de ses vêtements, l’archevêque
l’oint de sept croix : à la poitrine (le cœur), sur le front
(l’intelligence et la sagesse), entre les épaules (la force), et à la jointure
des bras et des mains (les actions).
On lui remet les insignes royaux :
-la couronne, symbole d’autorité royale.
-le sceptre, bâton du commandement.
-l’épée ou le glaive.
-l’anneau, symbolisant le mariage du roi avec
l’Eglise et avec le peuple.
Les grands représentants posent la main sur sa
couronne puis embrassent le roi, le premier étant l’archevêque suivi des
ecclésiastiques. Le roi est enfin acclamé par le peuple.
Après son sacre, Hugues Capet fait sacrer son fils
aîné Robert et l’associe dans le gouvernement, choisissant d’emblée son
successeur. Cette pratique continue jusqu’à Philippe II Auguste (1180-1223), où la
succession de père en fils s’effectue naturellement.
Hugues Capet meurt en 996, confiant le pouvoir à
Robert.
2) La reconquête de l’autorité royale
Robert II le Pieux (996-1031) associe son fils aîné Hugues à
ses actions politiques à partir de 1017. Ce dernier meurt prématurément en
1025, et les nobles refusent qu’il choisisse son deuxième fils Henri. Le roi
doit finalement faire imposer son choix.
En 1031, après la mort de Robert, Henri Ier monte
sur le trône. Il règne environ 30 ans avant que son fils Philippe Ier prenne à
son tour le pouvoir en 1060.
Philippe entreprend véritablement la reconquête de
l’autorité royale. Les grands nobles du royaume étant jusque-là autonomes, souvent
plus puissants que le roi car ayant plus de vassaux et considérablement plus de
terres, il reprend progressivement le contrôle sur eux. Il reçoit quelques
appuis du comte d’Anjou, du comte de Vendôme, du duc de Bourgogne et du duc de
Normandie (des voisins certes puissants, mais peu fiables). En revanche, les
comtes de Blois et de Vermandois lui sont très hostiles. Tous voient d’un
mauvais œil les interventions du roi dans le royaume. Les territoires méridionaux
se considèrent même indépendants.
Sous Philippe Ier, les chartes royales se
multiplient : on en compte 171 de 1060 à 1108.Ses actes concernent non
plus le domaine royal, mais également tout le royaume. Il recrée des fonctions
tels le chambellan, le sénéchal ou encore le maréchal. Il reprend en
main l’administration financière : par les impôts, son territoire s’étend.
3) Les transformations économiques et sociales
Les châteaux se multiplient. De 12 en l’an mil, on
passe à 36 châteaux en 1050. 60% appartiennent à des petits seigneurs. 24
autres châteaux sont construits entre 1050 et 1100. Le château devient autant
une place défensive contre les invasions qu’une résidence fixe construite par
les châtelains gouvernant localement. Les premiers sont faits de terre ou de
bois, puis on les construit peu à peu en pierre.
La noblesse devient une qualité de naissance, une
qualité de sang ; les nobles ont du pouvoir et de la notoriété, suivant un
mode de vie commun : le métier des armes.
Elle est composée par hiérarchie. Au sommet se
trouvent les princes : ducs, comtes, marquis, etc. Suivent ensuite les
châtelains, disposant du pouvoir du ban (pouvoir de juger), puis enfin les
chevaliers ne possédant pas de château.
Ces différentes catégories sont liées par le système
féodo-vassalique[3] :
ce lien s’exprime par la cérémonie de l’hommage. Le seigneur plus faible se
présente en tenue simple, désarmé, devant le seigneur plus puissant. Il place
ses mains dans celles de son suzerain (Immixtio
manuum), lui proclame : « je deviens ton homme », ce à
quoi le suzerain répond : « je te reçois et te prends pour homme
». Les deux hommes s’embrassent sur la bouche (osculum). Le vassal posant ensuite la main sur la Bible ou sur une
relique prête serment, jurant fidélité et loyauté envers son suzerain.
Le vassal doit assister son suzerain :
-d’abord financièrement, dans certaines
circonstances : lorsque le fils aîné du seigneur est armée chevalier,
lorsque la fille aîné de celui-ci se marie, quand le seigneur est fait
« prisonnier » (le ravisseur exige en principe une rançon en échange
de sa liberté) et quand le seigneur part en croisade (à partir de la fin du XI°
siècle).
-puis militairement : il doit effectuer le
service de garde dans le château du seigneur (l’auxilium, durant environ 1 mois), l’ost[4] et la
chevauchée[5].
-le vassal doit conseiller son seigneur pour toutes
les affaires importantes, y compris en justice.
-enfin, il est tenu de rester en paix avec son
suzerain.
Le seigneur est à son tour tenu de défendre ses
vassaux à d’assurer leur survie. Il leur concède donc un fief afin qu’ils
puissent vivre de ces terres.
A partir de 7 ans, les garçons nobles apprennent le
métier de chevalier, dans le château d’un oncle ou d’un autre membre mâle de
la famille.
A l’âge adulte, les nobles deviennent chevaliers
lors de l’adoubement. Cette cérémonie consiste en une remise d’armes pour la
personne à devenir chevalier : on lui remet son épée, ses éperons et
surtout son cheval, d’où le mot « chevalier ».
Au XII° siècle, l’Eglise ajoute une messe, précédée
d’une veillée - le futur chevalier passe la nuit à prier. La cérémonie a
donc lieu lors d’une fête religieuse, en particulier le jour de Pentecôte[6].
A la suite de la cérémonie, le chevalier doit
réussir diverses épreuves : la quintaine consiste à frapper à cheval un
mannequin, muni d’un côté d’un bouclier et de l’autre d’une masse assez lourde, souvent un sac de sable.
La difficulté réside du fait que le mannequin, une fois touché au bouclier,
pivote. Le chevalier doit donc esquiver le sac de sable après avoir frappé le
bouclier du mannequin ; en principe, il doit se coucher sur l’encolure du
cheval, mais il peut également tenter de parer le coup avec son bouclier.
Les tournois permettent à ces chevaliers de
s’entraîner à la guerre. Ils ont lieu notamment au nord de la France. Ce sont
de véritables sports martiaux, se pratiquant surtout en équipe : de grands
seigneurs recrutent des chevaliers se plaçant sous leur bannière.
Un tournoi dure généralement trois jours. De
véritables batailles simulées s’y déroulent, dans le but de plaire aux
spectateurs et surtout de pouvoir amasser des richesses. On cherche dans chaque
camp à faire des prisonniers, mais des morts ont parfois lieu. Certaines zones
– pour se ravitailler, boire, manger, etc. – sont neutres, où personne ne doit
attaquer ni être attaqué.
A la fin, le héraut fait réunir les équipes et compte
les prisonniers. Ces derniers sont libérés une fois la rançon payée.
Le chevalier se doit d’être généreux, de faire des
cadeaux à d’autres, de faire donc preuve de largesse. Il ne doit pas montrer de
l’attachement aux richesses, sous peine d'être considéré avare.
Du fait d’une pacification dans le royaume (fin des
invasions vikings et sarrasines, instauration de la Paix de Dieu[7],
etc.), la France jouit d’une relative croissance démographique.
Les mines se prolifèrent. L’artisanat de développe. Les
forges apparaissent dans tous les villages.
Les villes se multiplient grâce aux échanges
commerciaux. Les classes marchandes deviennent ainsi les nouvelles élites
urbaines.
La majorité des villes du royaume de France comptent
entre 2000 et 10000 habitants au XII° siècle. Paris en en compte environ 50 000.
Les outils, notamment agricoles, se perfectionnent.
Les paysans se servent du bœuf pour tirer la charrue. Le collier d’épaule
remplace le collier de cou, qui pouvait étrangler les bêtes. L’assolement
triennal se met en place : pendant 2 ans les paysans travaillent une
terre, et ils la laissent en jachère la troisième année, travaillant alors sur
d’autres zones dont une laissée en jachère l’année précédente. Ils procèdent
ainsi à une rotation. Pour les paysans les moins pauvres, cet assolement permet
un accroissement de 25% de la production agricole. Ce système varie d’une
région à une autre (par exemple, on laisse une terre en jachère pendant 2 ans),
et certaines zones ne la pratiquent pas.
Assolement triennal type : sur
une année, en vert, les terres cultivées ; en gris, les terres en jachère.
Les villages apparaissent souvent autour des
châteaux. Les habitants sont capables d’élire des représentants qui peuvent
parlementer avec le seigneur. A l’issue de ces échanges, des chartes de
franchise (exemption de taxes, droits particuliers, etc.) peuvent être
distribués.
Les paysans doivent payer un certain nombre
d’impôts :
-la taille ou « tote », contrepartie de la
protection du seigneur, impôt fixé par lui-même.
-les banalités, impôt obligatoire quand ils
utilisent le moulin, le four, le pressoir du seigneur.
-les péages, sur certaines routes ou pour traverser
un pont.
-des taxes diverses, comme le banvin (taxe sur le
vin), le tonlieu (taxe de circulation), etc.
Le seigneur dispose également du droit de gîte. Les
villageois sont tenus de l’héberger ainsi que sa suite, le nombre pouvant atteindre des
centaines.
En plus de ces impôts, les paysans doivent payer la
dîme aux seigneurs ecclésiastiques (10% des récoltes) ainsi que la taille
royale (impôt au roi).
La catégorie paysanne est divisée en plusieurs
catégories : les alleutiers sont des paysans libres possédant leurs
propres terres, sous la protection d’un seigneur. Les vilains sont également
libres, mais ils sont tenanciers (ils dépendent du seigneur car ils
« louent » des résidences). Les serfs, enfin, sont des paysans
non-libres, privés de droits (ils ne peuvent être propriétaires, peuvent être
vendus, etc.). Ce peut être des descendants des anciens esclaves sous les
carolingiens ou des paysans qui le deviennent volontairement pour rembourser
leurs dettes. Le servage est héréditaire. Ils sont soumis à des impôts
spécifiques :
-le chevage, impôt symbolique de 2 deniers par an.
-la taille, différente de la taille citée
précédemment.
-la mainmorte. Le fils d’un serf doit payer au
seigneur pour cultiver la terre de son père.
-le formariage. Si un serf marie sa fille à un autre
serf n’appartenant pas à la seigneurie, il doit payer une taxe à son seigneur.
Pour lire la deuxième partie, cliquez ici.
___________________________________[1] Soldat romain, Saint Martin a offert une partie de sa cape à un pauvre. Le Christ lui apparaît en songe, vêtu de cette cape, la nuit suivante. La relique conservée dans cette abbaye est l’autre moitié de la cape, celle qu’il n’a pu offrir.
[2] Cette relique a été malheureusement détruite à la Révolution française de 1789.
[3] Contrairement à la relation vassalique, une relation féodo-vassalique implique que le suzerain accorde des terres et un château à son vassal lors de la cérémonie de l’hommage.
[4] L’ost désigne une attaque longue et préparée. Le vassal doit participer au moins 40 jours au combat (sachant qu’on ne se bat ni durant les fêtes religieuses ni du samedi jusqu’au lundi, cela correspond à environ trois mois au total).
[5] La chevauchée est une expédition éclair, de courte durée.
[6] Ce choix est très symbolique car cette fête religieuse célèbre le jour où l’Esprit Saint est descendu sur les Apôtres, disciples du Christ, afin qu’ils puissent répandre la Bonne Nouvelle dans le monde méditerranéen. Dans le cas de l’adoubement, symboliquement, Dieu confie au chevalier la mission de protéger la société.
[7] Principe institué par l’Eglise qui exige une paix entre fidèles catholiques. Reprochant aux nobles de se faire la guerre, les ecclésiastiques les menacent d’anathème.
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