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mardi 3 avril 2018

Le Moyen Âge Central (987-1337) - Première partie : les premiers Capétiens

Contrairement au Haut Moyen Âge, le Moyen Âge Central marque une période de stabilité. C’est également une période de croissance économique, de progrès social et de paix relative, malgré quelques conflits sporadiques.

A) Les premiers Capétiens

Le terme « Capétien » provient du surnom du roi Hugues Ier (987-996), dit Capet, car détenant notamment l’abbaye Saint-Martin de Tours (abritant comme relique la Cape de Saint Martin[1]). Avant l’avènement d’Hugues Ier, cette dynastie est appelée les Robertiens, Robert étant son fondateur.

Les Capétiens sont la plus longue dynastie royale en France, qui règnent continuellement de 987 jusqu’en 1792, puis de 1814 à 1815, et enfin de 1815 à 1848. Jusqu’en 1328, 14 souverains se succèdent directement de père en fils. Contrairement aux précédentes dynasties royales, seul le fils aîné récupère tous les biens du père après sa mort.

Le territoire de France correspond à deux territoires : le domaine royal, possédé par le roi, et le royaume, terres dépendant du roi mais géré par des princes ou des seigneurs.

Le royaume de France en 987. En bleu, le domaine royal.

1337 marque le début de la Guerre de Cent Ans, lorsque le roi de France Philippe V de Valois (branche cadette de la dynastie capétienne) confisque la Guyenne (Aquitaine) au roi d’Angleterre Edouard III. C’est donc le début d’une autre période, plus sombre.


1) L’avènement d’Hugues Capet

Le père d’Hugues Capet, Hugues le Grand, était dux francorum, une sorte de vice-roi, titre conféré par le roi Louis IV. Hugues Capet hérite de ce titre. A la mort accidentelle de Louis V, le dernier carolingien, les Grands se réunissent afin d’élire un nouveau roi. Hugues Capet remporte l’élection et est sacré à Noyon par l’évêque de Reims Adalbéron, en juillet 987.

Le sacre des rois :

Le roi se rend en procession à la cathédrale de Noyon. Le roi prête serment à l’Eglise : il promet de défendre la foi, assurer la paix, la justice et la protection de l’Eglise. Il fait ensuite serment de protéger son peuple.
Les moines de Saint-Remi de Reims apportent la Sainte-Ampoule[2], relique miraculeuse car elle ne se vidait jamais et elle fut apportée par une colombe lors du baptême de Clovis. Le roi se dépouillant de ses vêtements, l’archevêque l’oint de sept croix : à la poitrine (le cœur), sur le front (l’intelligence et la sagesse), entre les épaules (la force), et à la jointure des bras et des mains (les actions).
On lui remet les insignes royaux :
-la couronne, symbole d’autorité royale.
-le sceptre, bâton du commandement.
-l’épée ou le glaive.
-l’anneau, symbolisant le mariage du roi avec l’Eglise et avec le peuple.
Les grands représentants posent la main sur sa couronne puis embrassent le roi, le premier étant l’archevêque suivi des ecclésiastiques. Le roi est enfin acclamé par le peuple.
Après son sacre, Hugues Capet fait sacrer son fils aîné Robert et l’associe dans le gouvernement, choisissant d’emblée son successeur. Cette pratique continue jusqu’à Philippe II Auguste (1180-1223), où la succession de père en fils s’effectue naturellement.

Hugues Capet meurt en 996, confiant le pouvoir à Robert.

2) La reconquête de l’autorité royale

Robert II le Pieux (996-1031) associe son fils aîné Hugues à ses actions politiques à partir de 1017. Ce dernier meurt prématurément en 1025, et les nobles refusent qu’il choisisse son deuxième fils Henri. Le roi doit finalement faire imposer son choix.
En 1031, après la mort de Robert, Henri Ier monte sur le trône. Il règne environ 30 ans avant que son fils Philippe Ier prenne à son tour le pouvoir en 1060.

Philippe entreprend véritablement la reconquête de l’autorité royale. Les grands nobles du royaume étant jusque-là autonomes, souvent plus puissants que le roi car ayant plus de vassaux et considérablement plus de terres, il reprend progressivement le contrôle sur eux. Il reçoit quelques appuis du comte d’Anjou, du comte de Vendôme, du duc de Bourgogne et du duc de Normandie (des voisins certes puissants, mais peu fiables). En revanche, les comtes de Blois et de Vermandois lui sont très hostiles. Tous voient d’un mauvais œil les interventions du roi dans le royaume. Les territoires méridionaux se considèrent même indépendants.
Sous Philippe Ier, les chartes royales se multiplient : on en compte 171 de 1060 à 1108.Ses actes concernent non plus le domaine royal, mais également tout le royaume. Il recrée des fonctions tels le chambellan, le sénéchal ou encore le maréchal. Il reprend en main l’administration financière : par les impôts, son territoire s’étend.


3) Les transformations économiques et sociales

Les châteaux se multiplient. De 12 en l’an mil, on passe à 36 châteaux en 1050. 60% appartiennent à des petits seigneurs. 24 autres châteaux sont construits entre 1050 et 1100. Le château devient autant une place défensive contre les invasions qu’une résidence fixe construite par les châtelains gouvernant localement. Les premiers sont faits de terre ou de bois, puis on les construit peu à peu en pierre.
La noblesse devient une qualité de naissance, une qualité de sang ; les nobles ont du pouvoir et de la notoriété, suivant un mode de vie commun : le métier des armes.
Elle est composée par hiérarchie. Au sommet se trouvent les princes : ducs, comtes, marquis, etc. Suivent ensuite les châtelains, disposant du pouvoir du ban (pouvoir de juger), puis enfin les chevaliers ne possédant pas de château.

Ces différentes catégories sont liées par le système féodo-vassalique[3] : ce lien s’exprime par la cérémonie de l’hommage. Le seigneur plus faible se présente en tenue simple, désarmé, devant le seigneur plus puissant. Il place ses mains dans celles de son suzerain (Immixtio manuum), lui proclame : « je deviens ton homme », ce à quoi le suzerain répond : « je te reçois et te prends pour homme ». Les deux hommes s’embrassent sur la bouche (osculum). Le vassal posant ensuite la main sur la Bible ou sur une relique prête serment, jurant fidélité et loyauté envers son suzerain.
Le vassal doit assister son suzerain :
-d’abord financièrement, dans certaines circonstances : lorsque le fils aîné du seigneur est armée chevalier, lorsque la fille aîné de celui-ci se marie, quand le seigneur est fait « prisonnier » (le ravisseur exige en principe une rançon en échange de sa liberté) et quand le seigneur part en croisade (à partir de la fin du XI° siècle).
-puis militairement : il doit effectuer le service de garde dans le château du seigneur (l’auxilium, durant environ 1 mois), l’ost[4] et la chevauchée[5].
-le vassal doit conseiller son seigneur pour toutes les affaires importantes, y compris en justice.
-enfin, il est tenu de rester en paix avec son suzerain.
Le seigneur est à son tour tenu de défendre ses vassaux à d’assurer leur survie. Il leur concède donc un fief afin qu’ils puissent vivre de ces terres.

A partir de 7 ans, les garçons nobles apprennent le métier de chevalier, dans le château dun oncle ou d’un autre membre mâle de la famille.
A l’âge adulte, les nobles deviennent chevaliers lors de l’adoubement. Cette cérémonie consiste en une remise d’armes pour la personne à devenir chevalier : on lui remet son épée, ses éperons et surtout son cheval, d’où le mot « chevalier ».

Au XII° siècle, l’Eglise ajoute une messe, précédée d’une veillée - le futur chevalier passe la nuit à prier. La cérémonie a donc lieu lors d’une fête religieuse, en particulier le jour de Pentecôte[6].
A la suite de la cérémonie, le chevalier doit réussir diverses épreuves : la quintaine consiste à frapper à cheval un mannequin, muni d’un côté d’un bouclier et de l’autre d’une masse assez lourde, souvent un sac de sable. La difficulté réside du fait que le mannequin, une fois touché au bouclier, pivote. Le chevalier doit donc esquiver le sac de sable après avoir frappé le bouclier du mannequin ; en principe, il doit se coucher sur l’encolure du cheval, mais il peut également tenter de parer le coup avec son bouclier.

Les tournois permettent à ces chevaliers de s’entraîner à la guerre. Ils ont lieu notamment au nord de la France. Ce sont de véritables sports martiaux, se pratiquant surtout en équipe : de grands seigneurs recrutent des chevaliers se plaçant sous leur bannière.
Un tournoi dure généralement trois jours. De véritables batailles simulées s’y déroulent, dans le but de plaire aux spectateurs et surtout de pouvoir amasser des richesses. On cherche dans chaque camp à faire des prisonniers, mais des morts ont parfois lieu. Certaines zones – pour se ravitailler, boire, manger, etc. – sont neutres, où personne ne doit attaquer ni être attaqué.
A la fin, le héraut fait réunir les équipes et compte les prisonniers. Ces derniers sont libérés une fois la rançon payée.
Le chevalier se doit d’être généreux, de faire des cadeaux à d’autres, de faire donc preuve de largesse. Il ne doit pas montrer de l’attachement aux richesses, sous peine d'être considéré avare.


Du fait d’une pacification dans le royaume (fin des invasions vikings et sarrasines, instauration de la Paix de Dieu[7], etc.), la France jouit d’une relative croissance démographique.
Les mines se prolifèrent. L’artisanat de développe. Les forges apparaissent dans tous les villages.
Les villes se multiplient grâce aux échanges commerciaux. Les classes marchandes deviennent ainsi les nouvelles élites urbaines.
La majorité des villes du royaume de France comptent entre 2000 et 10000 habitants au XII° siècle. Paris en en compte environ 50 000.

Les outils, notamment agricoles, se perfectionnent. Les paysans se servent du bœuf pour tirer la charrue. Le collier d’épaule remplace le collier de cou, qui pouvait étrangler les bêtes. L’assolement triennal se met en place : pendant 2 ans les paysans travaillent une terre, et ils la laissent en jachère la troisième année, travaillant alors sur d’autres zones dont une laissée en jachère l’année précédente. Ils procèdent ainsi à une rotation. Pour les paysans les moins pauvres, cet assolement permet un accroissement de 25% de la production agricole. Ce système varie d’une région à une autre (par exemple, on laisse une terre en jachère pendant 2 ans), et certaines zones ne la pratiquent pas.
Assolement triennal type : sur une année, en vert, les terres cultivées ; en gris, les terres en jachère.

Les villages apparaissent souvent autour des châteaux. Les habitants sont capables d’élire des représentants qui peuvent parlementer avec le seigneur. A l’issue de ces échanges, des chartes de franchise (exemption de taxes, droits particuliers, etc.) peuvent être distribués.

Les paysans doivent payer un certain nombre d’impôts :
-la taille ou « tote », contrepartie de la protection du seigneur, impôt fixé par lui-même.
-les banalités, impôt obligatoire quand ils utilisent le moulin, le four, le pressoir du seigneur.
-les péages, sur certaines routes ou pour traverser un pont.
-des taxes diverses, comme le banvin (taxe sur le vin), le tonlieu (taxe de circulation), etc.
Le seigneur dispose également du droit de gîte. Les villageois sont tenus de l’héberger ainsi que sa suite,  le nombre pouvant atteindre des centaines.
En plus de ces impôts, les paysans doivent payer la dîme aux seigneurs ecclésiastiques (10% des récoltes) ainsi que la taille royale (impôt au roi).
La catégorie paysanne est divisée en plusieurs catégories : les alleutiers sont des paysans libres possédant leurs propres terres, sous la protection d’un seigneur. Les vilains sont également libres, mais ils sont tenanciers (ils dépendent du seigneur car ils « louent » des résidences). Les serfs, enfin, sont des paysans non-libres, privés de droits (ils ne peuvent être propriétaires, peuvent être vendus, etc.). Ce peut être des descendants des anciens esclaves sous les carolingiens ou des paysans qui le deviennent volontairement pour rembourser leurs dettes. Le servage est héréditaire. Ils sont soumis à des impôts spécifiques :
-le chevage, impôt symbolique de 2 deniers par an.
-la taille, différente de la taille citée précédemment.
-la mainmorte. Le fils d’un serf doit payer au seigneur pour cultiver la terre de son père.
-le formariage. Si un serf marie sa fille à un autre serf n’appartenant pas à la seigneurie, il doit payer une taxe à son seigneur.


Pour lire la deuxième partie, cliquez ici.
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[1] Soldat romain, Saint Martin a offert une partie de sa cape à un pauvre. Le Christ lui apparaît en songe, vêtu de cette cape, la nuit suivante. La relique conservée dans cette abbaye est l’autre moitié de la cape, celle qu’il n’a pu offrir.
[2] Cette relique a été malheureusement détruite à la Révolution française de 1789.
[3] Contrairement à la relation vassalique, une relation féodo-vassalique implique que le suzerain accorde des terres et un château à son vassal lors de la cérémonie de l’hommage.
[4] L’ost désigne une attaque longue et préparée. Le vassal doit participer au moins 40 jours au combat (sachant qu’on ne se bat ni durant les fêtes religieuses ni du samedi jusqu’au lundi, cela correspond à environ trois mois au total).
[5] La chevauchée est une expédition éclair, de courte durée.
[6] Ce choix est très symbolique car cette fête religieuse célèbre le jour où l’Esprit Saint est descendu sur les Apôtres, disciples du Christ, afin qu’ils puissent répandre la Bonne Nouvelle dans le monde méditerranéen. Dans le cas de l’adoubement, symboliquement, Dieu confie au chevalier la mission de protéger la société.
[7] Principe institué par l’Eglise qui exige une paix entre fidèles catholiques. Reprochant aux nobles de se faire la guerre, les ecclésiastiques les menacent d’anathème.

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