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vendredi 16 février 2018

Le Haut Moyen Âge (476-987) - Première partie : la naissance du royaume franc

Le Haut Moyen Âge est toujours perçu comme une période sombre, d’où l’expression anglaise « Dark Ages » désignant cette période. En réalité, cette période sombre aurait eu lieu au IX° siècle avec les invasions sarrasines, vikings et hongroises, contribuant à la dislocation de l’empire carolingien.

La chute de l’Empire romain d’Occident marque surtout une ère nouvelle et l’avènement d’une nouvelle société.

Dans notre aire géographique, le Haut Moyen Âge peut être divisé en deux parties : la dynastie des mérovingiens (du V° siècle au VIII° siècle) puis celle des carolingiens (VIII° siècle – fin du X° siècle).

A) La naissance des royaumes barbares

1) Les causes des « Grandes Invasions »

« Barbare » provient du grec ancien barbaros, qui signifie « étranger ». Selon les Grecs, le barbare ne pouvait tenir un discours organisé ni ne pouvait penser : il n’avait pas accès au logos, à la parole. Ils ne pouvaient donc pas accéder à l’histoire ; ainsi les Grecs les percevaient-ils comme des animaux, vivant dans la sauvagerie, l’archaïsme et le nomadisme. Les barbares étaient cependant des civilisations, bien différentes de la civilisation gréco-romaine. Ils étaient organisés en tribus, à la tête desquels on désignait un roi en tant que chef de guerre. Ils cultivaient généralement de l’avoine, du seigle et l’orge et produisaient des poteries, des bijoux, du beurre et du savon.

Il n’existait pas un peuple barbare unique : on y trouvait en effet plusieurs peuples. L’auteur romain Tacite (58-120) dans La Germanie mentionnait les Silures, venant d’Espagne selon lui, les Suèves, divisés en plusieurs groupes en Germanie. Il décrivait même le système politique de ces derniers : à la tête des assemblées, les prêtres, qui détenaient des pouvoirs de juger, cherchaient à connaître la volonté des dieux par des pratiques divinatoires. Quand ils devaient prendre une décision, on attelait des chevaux blancs (considérés sacrés puisqu’on ne les utilisait pour aucun travail), selon la façon dont ils hennissaient, les prêtres interprétaient la volonté des dieux[1].

Nous pouvons distinguer les peuples de la mer tels les Angles, les Frisons, les Scots, etc. et les peuples d’Europe centrale et orientale (ex : les Francs, les Burgondes, les Vandales ou encore les Alamans).

L’arrivée massive des Barbares était principalement due à l’expansion des Huns, qui les repoussaient vers l’Ouest. Les « Grandes Invasions » étaient perçues de la sorte du point de vue des sénateurs romains. Les relations entre les Romains et les Barbares étaient en réalité bien plus complexes. Par exemple, les Wisigoths entraient pacifiquement dans l’Empire vers 376, puis se révoltaient en 378, ce qui a conduit à la Bataille d’Andrinople, une défaite cuisante pour l’Empire romain et où l’empereur Valens trouva la mort. Ils ont pillé Rome en 410, avant d’être intégrés officiellement dans l’Empire en tant que foederati (fédérés, littéralement alliance entre différents peuples) en 418. Ils étaient alors installés dans la Gaule Aquitaine, où ils devaient jouer un rôle pacificateur dans la région.


2) Vers la chute de l’Empire Romain d’Occident

L’Empire romain sortit d’une crise au III° siècle. Cette crise eut de multiples facettes ; elle était d’abord politique : en effet, les empereurs se succédaient rapidement, parfois brièvement ; certains ne régnaient que quelques semaines. De plus, l’armée disposait de plus en plus de pouvoirs: ils pouvaient autant désigner des empereurs que les renverser. En outre, les raids barbares ont entraîné une crise économique. De fait de toutes ces difficultés, les Chrétiens sont accusés d’attirer la colère des dieux.

En raison de ces menaces extérieures qui se sont accrus au cours du siècle, l’empereur Dioclétien, alors usurpateur, mit alors en place la Tétrarchie en 285 : un gouvernement avec quatre chefs. Il nomma d’abord Maximien Hercules « César », pour gouverner la partie occidentale de l’empire en son nom. Ce dernier fut nommé Auguste deux ans plus tard, il devint co-empereur avec Dioclétien. Les deux Augustes se sont ensuite choisis deux Césars (vice-empereur) pour les soutenir, créant la Tétrarchie : Dioclétien choisit Galère, et Maximien prit Constance Chlore. En 305, Dioclétien abdiqua et demanda à Maximien de faire de même, pour laisser la place à leurs Césars. Ces derniers devinrent Augustes (empereurs) et désignèrent leurs nouveaux Césars : Galère nomma Maximin Daïa et Constance Chlore (le Primus Augustus, c’est-à-dire le premier empereur) désigna Sévère.

A la mort de Constance Chlore en 306, les troupes de Bretagne proclamèrent cependant le fils de ce dernier, Constantin, Auguste. Galère le reconnut seulement comme César et Sévère devint Auguste, conformément au principe de succession de la Tétrarchie de Dioclétien. Au même moment, le fils de Maximien, Maxence, était proclamé princeps par les prétoriens de Rome. Galère envoya Sévère pour le renverser, mais l’armée dont il disposait se rallia à Maximien, le père de Maxence. Maximien vainquit finalement Sévère à l’issue d’un siège sur Ravenne, où celui-ci s’était replié.

Il fallait donc choisir un nouvel Auguste. En 308, Dioclétien reforme la tétrarchie : Galère était toujours secondé par Maximin Daïa en Orient, et Constantin par un officier illyrien, Licinius.

En Afrique, Lucius Domitius Alexander se fit également proclamer empereur vers 308. Ce n’est plus une tétrarchie, mais une heptarchie : l’empire est régi par sept empereurs, dont trois usurpateurs : Domitius, Maxence et son père Maximien.

Domitius est renversé par Maxence en 310, à l’issue d’une campagne militaire. En 311, à la mort de Galère, il restait Constantin, Maxence, Licinius et Maximin Daïa.
En Occident, Constantin élimina Maxence à la bataille du Pont Milvius[2]. En Orient, Licinius défit Maximin Daïa. Deux empereurs régissaient l’empire jusqu’en 324. Constantin battit finalement Licinius, devenant ainsi le seul maître de l’empire. Il fonda Constantinople sur l’ancienne cité grecque Byzance et il y résida jusqu’à sa mort en 337.

Année
Occident
Orient
Usurpateurs
Césars
Augustes
Césars
Usurpateurs
285-286
Dioclétien
286-293
Carausius (286-293)
Maximien Hercule
Dioclétien
293-305
Allectus
(293-296)
Constance
Chlore
Maximien
Hercule
Dioclétien
Galère
Domitianus (296-297)
305
Sévère
Constance Chlore
Galère
Maximin II
Daïa
306
Constantin
et Maxence
Sévère
307-308
Maxence,
Maximien
et
Domitius
Constantin
            Galère
308-310
Constantin
Licinius
  Galère
Maximin II
310-311
Maxence
Constantin
           
           Galère
Licinius
et
Maximin II
311-312
Constantin
Licinius et Maximin II
312-313
313-324
Constantin
Licinius
324-337
Constantin

Les trois fils de Constantin se partageaient l’empire après sa mort. Il n’en restait finalement que deux jusqu’en 350 : Constance II en Orient, et Constant Ier en Occident.

Si le partage n’était visé que pour une gestion plus efficace de l’empire pendant la Tétrarchie ou dans le cas du règne des fils de Constantin, il en fut clairement définitif en 395. Théodose Ier céda le pouvoir à ses deux fils : Honorius et Arcadius. Ils régnèrent respectivement l’Occident et l’Orient.


La partie occidentale ne pouvait contenir les flux migratoires barbares. Par ailleurs, Honorius étant un enfant, c’était un aristocrate d’origine vandale qui gouvernait en son nom : Stilicon. Poussés par les Huns, les Suèves et les Vandales franchirent le Rhin le 31 décembre 406, se répandant en Gaule et en Germanie. Les Wisigoths mirent à sac Rome en 410. Symboliquement, ce fut un choc pour l’empire : Rome, la ville qui avait dominé fut prise, ce qui n’était jamais arrivé depuis 390 avant J.-C.

Alors que les Francs s’installaient en Gaule Belgique, Attila, roi des Huns, cherchait à envahir les Gaules. Il mena une campagne militaire en 451. Après plusieurs sièges, son armée, composée des Huns et de ses vassaux germaniques (Ostrogoths, Suèves, Hérules, etc.) est finalement défaite à la bataille des champs Catalauniques, près de Troyes face au général romain Aetius.

Le sud-ouest de la Gaule était contrôlé par les Wisigoths tandis que les Burgondes s’étaient installés en Sapaudie, une région comprise entre les Alpes et le Jura. Les Francs se trouvaient sur la Gaule Belgique. Syagrius, maître des milices de la Gaule, contrôlait le nord-ouest de la région à partir de 464. Son père Egidus s’était rendu indépendant de la domination romaine.

Le 4 septembre 476, les Hérules pénétrèrent dans Ravenne, la nouvelle résidence des empereurs d’Occident depuis 402. Leur chef Odoacre déposa l’empereur adolescent Romulus Augustule. Pris de pitié pour lui, il l’épargna et l’exila en Campagnie[3].

L’Empire romain d’Occident disparut, mais l’Italie était régie par Odoacre, gouvernant au nom de Zénon, l’empereur d’Orient.


3) Le règne de Clovis (circa 480-511)


Après avoir accédé au pouvoir, le roi des Francs Saliens Clovis, fils de Childéric Ier, défait Syagrius, qui s’enfuit alors chez les Wisigoths. Leur roi Alaric II le renvoie vers Clovis, qui le fait mettre à mort. Ce dernier parvient à s’imposer en tant que roi de tous les Francs après avoir éliminé les autres chefs.

Il épouse la princesse burgonde Clotilde, chrétienne, vers 493 à Soissons.
Il bat les Alamans lors de la bataille de Tolbiac en 496. Païen, il se convertit peu après au christianisme et se fait baptiser à Reims par l’évêque Remi.

Il défait les Wisigoths à Vouillé en 507. L’empereur romain d’Orient lui confie alors le titre de consul honoraire. Lors d’une parade dans les rues de Tours, il est acclamé « Auguste » par la foule.

A sa mort en 511, le royaume franc est partagé à ses quatre fils : l’aîné Thierry Ier reçoit le royaume de Reims, Clodomir le royaume d’Orléans, Childebert Ier celui de Paris et Clotaire Ier celui de Soissons.


La Gaule en 511. En violet le royaume burgonde ; en bleu le royaume de Reims,
en vert le royaume d’Orléans, en jaune le royaume de Paris et en rouge le royaume de Soissons.
Pour lire la deuxième partie, cliquez ici.

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[1] Tacite, La Germanie, Traduction Jacques Perret. Partie principale, chapitre 2 – Coutumes et institutions. Section 3 : Religion (9-10). Les Belles Lettres, Collection des universités de France, Paris, 1949, 111 pages.
[2] Voir supra, Chapitre I, partie B, deuxième section.
[3] Selon l’Anonymus Valesianus (IV°-V° siècle).

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