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lundi 1 octobre 2018

La France de la Renaissance (XVI° siècle) - Deuxième partie : les Guerres de Religion

Pour lire la première partie du chapitre, cliquez ici.
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B) Les Guerres de Religion

1) La diffusion du luthéranisme

Martin Luther (1483-1546), un prêtre allemand, est à l’origine de la Réforme protestante.

La question du rôle des œuvres accomplies par l’homme dans son salut se posant depuis le V° siècle, Luther se penche sur la prééminence de la Grâce de Dieu dans le salut. Assistant à la vente des indulgences papales[1] qui permet de financer la construction de la basilique Saint-Pierre de Rome, il s’insurge et envoie ses 95 thèses contre les indulgences au pape. En réponse, celui-ci lui envoie des théologiens tels le cardinal Cajetan en 518 et Johann Eck en 1519. Cependant, les idées de Luther se diffusent rapidement, grâce à l’imprimerie[2]. Luther va plus loin, en publiant quatre traités théologiques. Le pape lui demande de se rétracter, mais il refuse. Il est donc excommunié en décembre 1520.

Les Luthériens adoptent la Confession d’Augsbourg en 1530, qui établit trois principes :
-la justification par la foi du fidèle
-le sacerdoce universel, qui implique l’égalité des chrétiens par le baptême, les rendant tous prêtres
-la Bible, seule autorité.
Ils conservent trois des sept sacrements catholiques : le baptême, la pénitence et l’eucharistie. Le mariage n’étant plus un sacrement, le divorce devient possible. La Bible doit être traduite en langue vulgaire, c’est-à-dire dans la langue nationale, et non en latin, afin que le fidèle puisse avoir accès aux Écritures. Les saints ne sont en outre pas reconnus par les luthériens.


2) Les hésitations des rois de France…

Bien que le Parlement[3] de Paris ait imposé une censure sur la publication d’ouvrages à thème religieux (interdite sans l’accord préalable de la Faculté de Théologie) au début des années 1520, François Ier s’est en premier lieu montré très tolérant : ainsi protège-t-il le Cercle de Meaux, composé d’érudits humanistes partisans de l’évangélisme[4] qui cherchent notamment à traduire la Bible en langue vulgaire. Après la défaite de Pavie et pendant la captivité de François Ier en 1525, le Parlement de Paris prend des décisions plus sévères à l’égard des Protestants.
Malgré un retour à une tolérance lors du retour du roi, les luthériens français détruisent les images de la Vierge et des Saints, de nuit, à Paris en 1528. Les catholiques s’imposent des processions expiatoires, pour obtenir le pardon de Dieu.

En 1534 a lieu l’Affaire des Placards : les protestants font imprimer un texte, dénonçant la messe catholique qu’ils dénomment « la messe papale », et les font afficher dans les principales villes au nord de la France, même jusqu’à la porte de la chambre du roi au château d’Amboise. Considérant cet acte comme un crime de lèse-majesté, François Ier soutient la répression visant à exterminer la secte luthérienne. Des autodafés ont lieu, où on brûle non seulement les livres luthériens mais également leurs propriétaires. En conséquence, beaucoup de Protestants s’exilent vers le Saint-Empire, où des princes se sont convertis au luthéranisme, ou en Suisse. 



De Genève, Jean Calvin développe des réformes religieuses à partir de 1541. Ses idées se diffusent notamment en France. Tout comme le luthéranisme, le calvinisme rejette la Tradition (les écrits des Pères de l’Eglise, comme Saint Augustin, et les principes imposés par l’Eglise) et ne reconnaissent donc ni la Vierge, ni les Saints. Contrairement aux luthériens et aux catholiques, l’eucharistie n’est pas « réactualisée » : le Christ n’est présent que spirituellement grâce à l’action du Saint-Esprit. Par ailleurs, Calvin impose l’idée d’un peuple élu et d’une double prédestination : Dieu a déjà choisi, de toute éternité, les hommes qui seraient sauvés ainsi que ceux qui seraient damnés. Il développe enfin une structure ecclésiastique non sacrée, un système presbytéro-synodal :
-à l’échelle locale, le Consistoire composé de Pasteurs (des hommes capables d’expliquer les Écritures et la doctrine calviniste aux fidèles), de Diacres (qui collectent de l’argent pour les donner aux pauvres), des Anciens (dont la fonction est non seulement de faire fonctionner l’Eglise locale mais également de surveiller les mœurs).
-à l’échelle régionale, le synode provincial, composé de représentants des Consistoires (généralement un Pasteur et un Ancien)
-le cas échéant, un synode national, composé lui-même de représentants des synodes provinciaux.

En 1543, la Faculté de théologie de Paris publie un texte de 29 articles sur la foi catholique, que François Ier transforme en loi du royaume. En 1545, à la tête d’une troupe, il écrase la dissidence « vaudoise » dans le Luberon. Plus d’une centaine de luthériens y sont pendus.
Henri II (1547-1559) poursuit la politique de son père François Ier. Il met en place un tribunal à Paris, afin de juger les hérétiques, qu’on appelle « la Chambre ardente » puisque les audiences se tenaient dans une pièce sombre, éclairée par des bougies ou des torches, et les condamnés sont brûlés. L’édit de Châteaubriant (1551) contrôle et censure la production de l’imprimé. L’Eglise catholique tend à se réformer pendant le Concile de Trente (1545-1563). Le roi se charge de faire diffuser les décisions du concile.
Malgré ces mesures sévères, le calvinisme se développe. Le 13 mai 1558, les protestants se rassemblent au Pré-aux-Clercs à Paris pour chanter des psaumes. On y retrouve notamment des nobles, dont des princes du sang comme Louis de Bourbon, prince de Condé, et Antoine de Bourbon, roi de Navarre, convertis à la foi protestante. On estime à cette époque 2 millions de Protestants sur 20 millions d’habitants en France (soit 1/10 de la population).

Les Protestants projettent d’enlever le roi François II (1559-1560). Mais leur complot est rapidement découvert et le roi, se trouvant au château de Blois, se réfugie à Amboise. De là, il ordonne l’arrestation des nobles protestants prenant part au complot. Il fait exécuter La Renaudie, chargé d’enlever le roi et la reine, ainsi que les principaux conspirateurs. Il amnistie les autres nobles, dont le prince de Condé.
François II se rapproche de sa mère Catherine de Médicis, cherchant la conciliation. Il promulgue l’édit d’Amboise, amnistiant les conspirateurs protestants, ouvre la voie vers la liberté de conscience, et nomme Michel de l’Hôpital, favorable à une politique de conciliation, chancelier. Cependant, François meurt à la fin de l’année 1560. Son frère Charles IX, âgé de dix ans, devient roi. Catherine de Médicis, régente pendant la minorité de Charles IX, poursuit cette politique d’entente entre catholiques et calvinistes. Mais le colloque de Poissy (1561) réunissant les deux confessions est un échec et les tensions s’accentuent. Un édit de tolérance autorise le culte protestant à partir de janvier 1562.


3) … menant à des conflits sanglants

Malgré cette politique de tolérance, le premier massacre de protestants perpétré par des catholiques a lieu à Vassy le 1er mars 1562. La Première Guerre de Religion commence : les Protestants, soutenus par la monarchie anglaise, combattent les Catholiques, assistés par la monarchie espagnole. Ils cherchent à s’emparer des villes. Lors du siège d’Orléans, le 18 février 1563, le duc de Guise, catholique, est assassiné par un protestant. Charles IX parvient à imposer une paix le 19 mars 1563.

Le prince de Condé organise une nouvelle conspiration, ce qu’on appelle la Surprise de Meaux en 1567 afin d’enlever le roi. Charles IX se réfugie à Paris, mais une nouvelle guerre civile éclate. Le 30 mai, la Michelade a lieu à Nîmes : un massacre de 90 catholiques (notamment des clercs) par des protestants. Une paix brève est signée le 23 mars 1568, mais elle se termine en août de la même année. Lors de la Bataille de Jarnac, le 13 mars 1569, le Prince de Condé est assassiné à son tour par un catholique. La paix revient le 8 août 1570. Charles IX accorde aux protestants des places de sûreté (par exemple, Le Port de La Rochelle, Montauban, etc.) Catherine de Médicis organise un mariage entre Marguerite de Valois et Henri de Navarre, protestant, célébré le 18 août 1572.
L’amiral protestant Gaspard II de Coligny cherche toutefois à faire intervenir la France dans les Pays-Bas espagnols afin d’affaiblir le roi d’Espagne Philippe II. Les tensions entre les deux partis s’accentuent à nouveau. Le 22 août, L’amiral de Coligny est blessé au bras par une balle d’arquebuse, victime d’un attentat. Se sentant menacé, le roi, lui promettant d’abord de pourchasser le criminel, décide finalement d’éliminer les chefs protestants. Cette décision dérive en un massacre de milliers de protestants, perpétré par les catholiques dans la nuit du 23 au 24 août.
Le 26 août, le roi endosse la responsabilité de l’exécution des chefs protestants.

Les affrontements reprennent, se terminant le 11 août 1573, mais reprenant moins d’un an plus tard. Le 30 mai 1574, Charles IX meurt malade. Son frère Henri III (1574-1589) lui succède. Un tiers parti se forme, entre les catholiques et les protestants : les « Malcontents », dirigés par le dernier frère du roi, François d’Alençon (duc d’Anjou), partisans d’une entente avec les réformés. Après la cinquième guerre de religion (1574-1576), une paix est signée entre les différents camps. A l’image de l’Organisation du Midi créé par les protestants, les catholiques fondent la Ligue de Péronne avec pour chef le duc de Guise, puis Henri III lui-même. Deux nouvelles guerres ont lieu à la fin des années 1570.
Le roi fonde l’Ordre du Saint-Esprit le 31 décembre 1578, premier ordre de la France et dont les grands-maîtres sont les monarques.
Le dernier frère du roi meurt toutefois en 1584. Celui-ci n’ayant pas d’enfant, François d’Alençon était en effet censé lui succéder. Se pose le problème de la succession : le plus proche héritier est Henri de Navarre. Or, ce dernier est protestant. Les Ligueurs ne veulent pas le reconnaître et traitent avec le roi d’Espagne afin que celui-ci finance leur armée. Le 30 mars 1585, ils publient le manifeste de Péronne, expliquant qu’un protestant ne peut revendiquer la couronne du royaume de France. Henri III finit par céder en signant l’édit de Nemours le 18 juillet, excluant les protestants des droits à la couronne.

La Huitième Guerre de Religion débute en 1585. Celle-ci, bien plus longue que les précédentes, ne se finit qu’en 1598. La situation échappe au roi, ayant perdu tout soutien. Le duc de Guise est reconnu par la Ligue comme le sauveur de la foi catholique. Henri III tente maladroitement d’interdire son entrée triomphale à Paris, en avril 1588. Le duc de Guise y parvient toutefois. Les Parisiens se révoltent contre le roi le 12 mai 1588, forçant ce dernier à quitter la capitale. Otage de la Ligue, il se soumet à leurs requêtes. Il signe donc l’édit d’Union le 15 juillet, confirmant qu’un protestant ne peut accéder à la couronne de France.

Le 23 décembre 1588, Henri III convoque le duc de Guise dans ses appartements. Une fois entré, les gardes se jettent sur le duc et le tuent. Le lendemain, le roi ordonne l’exécution de ses frères, dont le cardinal de Lorraine. Chez les catholiques, le duc de Guise et son frère sont perçus comme des martyrs. Ils ne reconnaissent plus Henri III comme leur roi, l’appelant « Henri de Valois », « le tyran ».
Par conséquent Henri III s’allie avec les protestants, donc avec Henri de Navarre, contre la Ligue catholique. Leurs armées encerclent Paris à partir de l’été 1589. Mais Henri III est assassiné[5] à Saint-Cloud, dans sa tente, par le moine Jacques Clément, le 1er août. Ce dernier est tué par les gardes, puis son corps est écartelé post-mortem.
Avant sa mort, Henri III lègue le royaume à Henri de Navarre, devenant Henri IV, alors que les Ligueurs reconnaissent le cardinal de Bourbon comme leur roi, sous le nom de Charles X.


Pour lire la troisième partie, cliquez ici.


[1] Dans l’Eglise catholique, l’indulgence est la rémission totale ou partielle de la peine temporelle, réduisant ainsi le temps passé au Purgatoire.
[2] L’imprimerie est inventée par Johannes Gensfleisch, ou Gutenberg, en 1450. Elle se diffuse dans toute l’Europe en 50 ans.
[3] Contrairement en Angleterre, où le Parlement est devenu une assemblée législative, le Parlement français de l’Ancien Régime est une instance judiciaire enregistrant les lois.
[4] Confession chrétienne s’approchant explicitement du protestantisme.
[5] Pour la première fois, depuis l’avènement des Capétiens, un roi de France est assassiné. A ce premier régicide s’ajoutent trois autres, selon les royalistes :
-l’assassinat d’Henri IV par Ravaillac en 1610.
-l’exécution de Louis XVI, sa mort votée par la Convention Nationale, en janvier 1793.
-La mort de Louis XVII, fils de Louis XVI, emprisonné dans de mauvaises conditions dans un cachot à la Tour du Temple, en juin 1795.

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